En ouvrant les yeux ce matin, les utilisateurs du célèbre courtier DEGIRO ont cru recevoir une bien bonne nouvelle : à compter du 20 décembre, la plateforme rendra gratuits les ordres passés sur les marchés US.
Certes, cette nouvelle ne changera pas le destin de votre portefeuille. Les frais prélevés n'étaient jusqu'alors que de 0.50€ par ordre, plus 0.004$ par action.
A l'origine, il s'agissait là de l'un des tarifs les plus compétitifs du marché, qui a permis de hisser DEGIRO parmi les courtiers les plus populaires en France et en Europe.
Pourtant, nous quittons DEGIRO. Et non, nous ne sommes pas masos. Rappelez vous : en investissement comme ailleurs, there is no such thing as a free lunch.. Alors où est le loup ici ?
Parallèlement à ce changement, DEGIRO fera passer ses frais de change de 0.1% à 0.25%. Une multiplication astronomique par 2.5, qui passerait presque inaperçue si vous n'avez pas pris la peine de lire jusqu'au bout leur e-mail.
Ce changement vous semble insignifiant ? Eh bien, pas vraiment.
A moins que vous n'investissiez que de très petits montants, ou que vous n'achetiez que des actions en euros (mais cela n'a pas vraiment d'intérêt avec un compte titres, les PEA sont là pour ça), investir via DEGIRO vous coûtera désormais beaucoup plus cher. Prenons un exemple avant/après avec un ordre d'achat de 20 actions US, à 300$ l'action, soit 6,000$ en tout :
Avant : 0.50€ + 0.004$ x 20 actions + 0.1% x 264 (car 300$ = 264€) x 20 actions = 6€
Après : 0€ + 0.25% x 264 x 20 = 13€
Conclusion : les frais ont plus que doublé. Et logiquement, plus les ordres seront conséquents, plus la différence sera élevée.
Le courtier, que nous avons toujours classé dans le top 3 des meilleurs comptes titres de notre comparatif, se laisse donc dépasser (sur le plan tarifaire du moins) par Interactive Brokers. Même Trading 212, qui a pourtant récemment augmenté ses frais en facturant 0.15% de frais de change, passe dorénavant devant DEGIRO.
Loin d'être un changement isolé, cette annonce est symptomatique d'une nouvelle tendance des "courtiers faussement gratuits" en France et dans le monde. Le succès triomphal du courtier Robinhood aux Etats-Unis en est l'exemple le plus connu.
D'un point de vue business, cela fait sens : cette politique permet d'attirer facilement les investisseurs les moins aguerris, convaincus qu'ils vont pouvoir investir gratuitement. 50% des utilisateurs de Robinhood n'avaient ainsi jamais investi en bourse avant d'y ouvrir leur compte.
En faisant passer à 0€ les frais les plus observés pour augmenter les moins visibles, les plateformes s'assurent d'afficher la meilleure vitrine possible pour acquérir de nouveaux utilisateurs.
Pour rappel, les courtiers "gratuits" recourent principalement à deux stratagèmes pour se rémunérer :
Le premier, le plus évident, est celui des frais de change. Il est facile par exemple de se laisser tenter par le courtier XTB "100% gratuit", lorsqu'on ignore que les frais de change atteignent 0.5% par ordre..
Le second, bien plus opaque, est celui des payments for order flow.
De quoi s'agit-il ? Lorsque vous passez un ordre en bourse, votre courtier a deux possibilités :
Il peut passer l'ordre directement, comme le font la plupart des courtiers "non gratuits",
Il peut le transmettre à un market maker, qui se chargera lui-même de l'exécuter.
Le problème, c'est que ces market makers vont tirer profit de votre ordre à votre détriment, en vous obtenant un cours d'achat/vente moins intéressant que si l'ordre avait été réalisé en direct par votre courtier. La différence étant.. pour bibi.
En échange de ce "tuyau", le market maker reverse au courtier une commission pour chaque ordre transmis, invisible à vos yeux. C'est cela, le fameux payment for order flows.
La SEC (le gendarme des marchés américains) songe d'ailleurs à interdire cette pratique, qui tend à induire le consommateur final en erreur. Le sujet est également à l'ordre du jour en France du côté de l'AMF...Mais la pratique reste encore tolérée jusqu'à aujourd'hui.
Alors en attendant, ouvrez l'œil ! Et n'hésitez pas à consulter notre comparatif des meilleurs PEA et comptes titres mis à jour pour l'occasion.
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Baptiste Martin
Baptiste est rédacteur et analyste chez bigfish. Spécialiste de la modélisation financière, Baptiste analyse chaque mois les comptes de centaines d'entreprises pour n'en garder que la crème de la crème.
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