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Photo du rédacteurFrançois Sockeel

Correction des actions growth : avons-nous touché le fond ?



Si les principaux indices boursiers semblent garder le cap, les actions growth ne cessent de perdre du terrain depuis quelques mois. Faut-il s'en inquiéter ? Décryptage.


Les investisseurs growth ont dû avoir le coeur bien accroché ces derniers mois. Car sous le capot d'un NASDAQ en pleine forme, se cache en réalité un véritable carnage : près de 40% des sociétés du NASDAQ Composite ont vu leur capitalisation divisée par au moins deux en comparaison de leur plus haut des 12 derniers mois.

Les SaaS (Software as a Service) semblent avoir été tout particulièrement visés. On peut citer Cloudflare (-52%), Shopify (-31%), ou Asana (-57%) par exemple.


Pour mieux comprendre pourquoi, revenons aux bases de l'évolution d'une action.


Les deux forces régissant les actions


Le cours d'une société cotée est régi par deux principales forces :

  • La performance de la société : à quelle vitesse croît son chiffre d'affaire ? Comment évoluent ses marges ?

  • Le regard porté par les marchés sur cette société.

L'un des métriques les plus courants pour mesurer l'évolution de ce regard est le P/E ratio : capitalisation boursière / résultat net. Ainsi, à résultat net égal, certaines sociétés se verront attribuer un P/E 5, 10, ou 20x supérieur à une autre.


Si la performance d'une société est quelque chose de factuel et relativement stable (celle-ci n'est censée évoluer qu'une fois par trimestre, lors des résultats), le regard porté par les marchés est lui éminemment plus subjectif, et donc, imprévisible.


En anglais, on emploie souvent l'expression "market sentiment", qui exprime justement le caractère hautement émotionnel et psychologique de ce paramètre.


Ces deux forces peuvent affecter de manière tout aussi brutale le cours d'une société. Mais si à court terme, le market sentiment domine, sur le long terme, il devient bien moins significatif en comparaison de la performance opérationnelle de l'entreprise.

Vous l'aurez compris, multiple correspond au market sentiment ici, quand free cash flow, margin et revenue growth correspondent à la performance de la société.


Ce graphique pointe du doigt deux aspects essentiels des marchés, pourtant négligés par une majorité d'investisseurs :

  • La bourse ne peut pas raisonnablement se jouer sur le court terme, tant ses variations sont soumises à des forces imprévisibles.

  • En vous focalisant à 100% sur la performance de la société tout en faisant fi des changements de "market sentiment", il devient tout à fait possible de bénéficier d'excellentes performances boursières sur le long terme.

Mais comment faire la part des choses entre les variations dues à une mauvaise performance des entreprises sous-jacentes, et celles dues à une révision à la baisse du "market sentiment" ? Et puis, ces deux forces ne sont-elles pas parfois liées ?


Pour y voir plus clair, prenons un exemple de la vie courante.


L'exemple de Médor


Supposons que vous décidiez de sortir promener votre chien, Médor, d'un point A à un point B. En laisse, c'est important.



Quelque soit votre vitesse, il arrivera parfois que Médor, jeune et fougueux, prenne de l'avance sur vous. Sa vitesse sera donc supérieure à la vôtre.


A contrario, celui-ci voudra de temps en temps s'arrêter à un poteau, rester observer un passant, voire courir dans le sens opposé au vôtre afin de renifler un confrère. Celui-ci se retrouvera alors brusquement derrière vous.


Mais aussi imprévisible que soit son comportement à court terme, sa vitesse ne pourra jamais être foncièrement différente de la vôtre sur l'ensemble de la balade. La laisse l'en empêchera.


Si celui-ci a pris du retard, ou de l'avance sur vous, il sera tôt ou tard contraint de vous rattraper en accélérant, ou en ralentissant. Bref : la vitesse du chien finit toujours par s'adapter à celle du maître.


Notez qu'il en est de même si le maître accélère, ou ralentit sa propre vitesse : le chien devra au cours de la balade s'y adapter, et ralentir ou accélérer à son tour. Il peut tout à fait ne pas s'adapter à cette nouvelle vitesse immédiatement ; mais là encore, la laisse l'obligera tôt ou tard à le faire.

Vous l'aurez compris, le maître est ici la société, et Médor, l'action sous-jacente.


Si vous souhaitez savoir à quelle vitesse Médor se rendra de A à B, il est donc vain de se focaliser sur son comportement à un instant t.


Car à long terme, sa capacité à passer rapidement de A à B ne dépendra pas de son propre comportement, totalement imprévisible, mais uniquement de celui de son maître.



Notez que ce "rattrapage" du chien n'est dans le cadre d'une balade que de quelques secondes ; mais dans le cas d'une entreprise, celui-ci peut mettre 2, 3, 5, voire 10 années avant de s'opérer. Cela peut être dur, très dur psychologiquement.


Voir ses actions ne pas progresser à leur juste valeur malgré d'excellentes performances business, et ce, des années durant, peut être particulièrement frustrant, et demande une patience de fer. Mais c'est souvent sur cette qualité que se distinguent les meilleurs investisseurs.


Comme le disait Peter Lynch, "Il faut un niveau de patience remarquable pour conserver une société qui performe, mais que les marchés semblent ignorer. Vous commencez à croire que tout le monde a raison, et que vous avez eu tort. Mais tant que les fondamentaux sont prometteurs, la patience finit souvent par être récompensée".


Lorsqu'une chute des cours comme celle que nous connaissons actuellement survient, il est donc intéressant de comprendre pourquoi est ce que Médor a reculé. Est-ce le maître qui aurait commencé à rebrousser chemin, ou bien Médor qui aurait encore fait des siennes ?


En d'autres termes, cette chute des actions est-elle le fruit de mauvaises performances business ? Ou serait-ce le regard porté par les marchés sur ces sociétés qui aurait brutalement évolué ?


Les origines de la correction


Les entreprises n'ont vraisemblablement pas grand chose à voir avec le recul que nous connaissons actuellement. Il s'agit bien plutôt d'une contraction des multiples de valo (= regard porté par les marchés), comme le montre très bien ce graphe de JP Morgan :



On remarque ainsi qu'en 2021, les sociétés du S&P500 ont affiché en moyenne une performance supérieure à celle de leurs actions sous-jacentes. La hausse des marchés connue en 2021 n'a donc rien d'exubérant, contrairement à l'idée véhiculée par les médias.


Si les actions n'ont pas autant performé que leurs sociétés, c'est justement en raison de ce dégonflement des multiples de valorisation, de -8% sur l'année.


Alors pourquoi un tel dégonflement, en particulier ces derniers mois ? La remontée des taux est souvent évoquée.


Celle-ci peut en effet impacter négativement la performance des sociétés, en rendant leur recours à la dette plus coûteux par exemple. Mais assurément rien qui puisse justifier des baisses aussi vertigineuses. D'autant plus pour des SaaS comme Asana ou Cloudflare, dont l'une des principales caractéristiques réside justement dans la forte récurrence de leurs revenus (et donc, leur faible sensibilité aux retournements économiques).


Enfin, contrairement aux idées reçues, la remontée des taux est généralement associée à une forte performance des marchés actions : voir cette analyse de BlackRock à ce sujet.


Le mot de la fin


Comme nous aimons à le répéter, nous n'avons strictement aucune idée de l'avenir des marchés. Ceux-ci pourraient très bien continuer à sombrer, ou renaître de leurs cendres.


Mais une chose est claire ici : les maîtres, eux, continuent de tracer leur chemin. Et au fond, c'est peut-être tout ce qui compte.


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François Sockeel

François est le fondateur de bigfish investing. Son action favorite est Crowdstrike, pour sa capacité à maintenir une avance technologique considérable sur un marché de la cybersécurité en plein essor.

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