Malgré toutes les louanges faites au Dollar-Cost Averaging par 99% des blogs de finance, l'une des questions les plus fréquentes que nous recevons est la suivante :
"Au fond, ne vaudrait-il pas mieux investir un peu plus lorsque les marchés sont en berne comme aujourd'hui ?"
Par exemple, si vous avez pour habitude d'investir 500€ par mois, devriez-vous doubler ce montant lorsque les marchés baissent de 20% ou 30% ?
Cela semble logique. Après tout, on vous rabâche que les corrections, même les plus affreuses, sont dans l'écrasante majorité des cas de courte durée... Acheter en pleine baisse devrait donc revenir à acheter en période de soldes.
Même le célèbre Morgan Housel ne jure que par cette technique, en suivant le tableau suivant (ici avec une enveloppe de 1,000$ prête à être investie en cas de correction, en plus de ce qu'il investit habituellement chaque mois) :
Pour que cette stratégie soit pertinente, une première condition serait qu'un euro investi dans les marchés durant une baisse de X% vaille plus après quelques années que si cette baisse n'avait pas eu lieu.
Heureusement, cette étude a déjà été réalisée. En voici les résultats devant vos yeux ébahis, ici avec le S&P500 sur la période 1988-2022 :
Sans surprise, la corrélation est bien là. Plus la correction est grande, plus le rendement espéré est élevé.
On notera toutefois qu'à moins d'une correction extrême (>40%), cette corrélation est assez faible sur le long terme. En clair, à moins d'un bon gros krach, vous n'avez pas de raisons d'espérer une performance beaucoup plus élevée qu'à l'accoutumée au cours des 3-5 années suivant la baisse. L'essentiel de la sur-performance se concentre dans les 12 mois qui suivent la correction, d'où l'intérêt de rester investi malgré la baisse apparente afin de pouvoir les capturer.
À ce stade, il serait tentant de conclure que oui, il est rentable de mettre plus au pot en cas de baisse. Même si la corrélation n'est pas très forte lorsque la correction est faible/modérée, elle est néanmoins là. Pourtant, si vous arrêtiez votre analyse à ce stade comme le font la plupart des investisseurs, vous commettriez une grossière erreur.
La faille de cette stratégie : le coût d'opportunité
Supposons que vous ayez pour habitude d'investir 500€ par mois dans un ETF du S&P500, avec la stratégie suivante : chaque fois que le S&P500 baisse de 40% ou plus, vous doublez la mise en investissant 1,000€ par mois.
Cela se tient...Mais d'où viendront ces 500€ par mois supplémentaires ?
C'est là le talon d'Achille de cette stratégie. L'exécuter implique que vous ayez une enveloppe de cash prête à être investie à tout moment. Et, dans la grande majorité des cas, le surplus de performance associé au fait d'avoir investi cette enveloppe quand les marchés étaient bas reste inférieur à ce que vous auriez pu gagner en attendant cette opportunité.
Jugez plutôt les résultats de cette analyse menée sur toutes les périodes d'investissement de 20 ans possibles entre 1920 et 2020. Pour rappel, DCA = Dollar-Cost Averaging. Pour reprendre l'exemple précédent, On compare ici la performance de 500€ économisés chaque mois et accumulés dans l'attente de la prochaine baisse de X% ("Buy the Dip") durant laquelle ils seront ensuite investis d'un coup, vs. investis dès que possible ("DCA").
Quelle que soit la baisse attendue pour placer votre surplus, les 500€ gardés au chaud ont toujours une espérance de gain inférieure au scénario DCA. Et contrairement à la croyance populaire, plus vous attendrez une baisse importante pour investir votre pactole, plus votre espérance de gain sera faible en comparaison d'un investissement fait le plus tôt possible. La raison étant que plus la baisse attendue pour placer vos 500€ est importante, plus elle est rare. Ainsi, cela fait augmenter le temps moyen durant lequel vos économies resteront "sous le matelas", affectant ainsi votre performance.
À la lecture de ces lignes, on vous voit déjà nous rétorquer...
"Mais bigfish, il ne s'agit pas forcément d'argent dormant ! Je peux très bien générer ce surplus d'épargne en réduisant mes dépenses, ou en augmentant mes revenus lorsque les marchés commencent à tanguer"
Cet argument n'est pas valable, pour deux raisons. D'abord, parce que si vous pouvez mettre en place ces leviers d'actas de baisse des marchés, autant le faire dès maintenant.
Surtout, soyons honnêtes, ce n'est généralement pas dans les périodes de krach qu'il est le plus aisé d'augmenter son salaire, ou de réduire ses dépenses. La période actuelle en est un bon exemple.
Si vous pensez vraiment pouvoir réaliser ces ajustements lorsque l'opportunité se présentera, pourquoi ne pas les mettre en place dès à présent, et investir tout ce que vous pouvez sans attendre ? Statistiquement, vous vous en sortirez mieux dans la majorité des cas, et n'aurez pas à attendre une baisse future. Comme le veut l'adage, "Time in the market beats timing the market".
Certes, cette stratégie est moins sexy que de guetter "l'opportunité du siècle", ou de lâcher lors du prochain repas de famille que vous avez "acheté la baisse" en bombant le torse...Mais on ne peut pas tout avoir.
Petite note importante pour la fin : nous ne faisons pas l'apologie du DCA, mais du fait d'investir toute épargne disponible le plus tôt possible. Cette nuance est importante. Par exemple, il est bien établi que le DCA ne constitue pas la meilleure stratégie si la somme à investir n'évolue pas dans le temps (héritage, épargne accumulée par le passé, etc.).
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François Sockeel
François est le fondateur de bigfish investing. Après un passage en conseil en stratégie ainsi qu'en banque d'affaires, François se dédie désormais à aider les particuliers à mieux décoder les marchés.
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