L'une des étapes les plus complexes (et disons-le tout de suite, les moins rentables) du processus de recherche d'investissements consiste à valoriser une entreprise. Prenons l'un des métriques les plus populaires : le ratio cours/bénéfice (C/B), en anglais P/E ratio.
À première vue, cela semble assez simple : plus le ratio cours/bénéfice est bas, plus une action est bon marché ; plus il est élevé, plus l'action est chère. Mais si l'on creuse un peu, les choses se compliquent.
Prenons un exemple :
En mars 2013, les actions Netflix s'échangeaient à un ratio cours/bénéfice de 653, unanimement considéré comme "ridiculement cher". Pourtant, au cours de la décennie suivante, l'action a fait x10.
En mars 2008, l'action General Electric s'échangeait à un ratio cours/bénéfice de seulement 4, unanimement considéré comme une valorisation plancher. Pourtant, au cours de la décennie suivante, son cours a perdu la moitié de sa valeur.
Pourquoi le ratio P/E a-t-il échoué si lamentablement dans les deux cas ?
Nous pensons que le P/E n'était tout simplement pas approprié pour estimer la valeur de ces deux entreprises à l'époque.
En effet, le ratio C/B est une mesure ponctuelle. Il montre la relation entre le cours actuel d'une société, et ses bénéfices. L'une de ses limites est qu'il ne tient pas compte de l'évolution du monde qui nous entoure.
En 2013, Netflix est passé d'un service d'envoi de DVD par courrier à une plateforme de streaming. Les premiers signes étaient prometteurs, alors Netflix a fait all-in sur cette stratégie. Pourtant, cette transition a eu pour effet de casser la progression des bénéfices à court terme. Cela n'est pas apparent si l'on s'attarde sur le seul P/E ratio.
Autre anecdote : en 2008, les bénéfices de GE semblaient solides...Mais ce n'était là qu'un mirage. L'exposition de GE aux crises financières allait bientôt provoquer l'effondrement de son résultat net.
Netflix et GE sont loin d'être des cas isolés. Jugez plutôt :
Concrètement, ce tableau de Morgan Housel montre :
Le P/E ratio des entreprises du Dow Jones en 1995
Le P/E que ces mêmes sociétés auraient rétrospectivement dû avoir en 1995 pour permettre une croissance annualisée de leur capitalisation de 8% jusqu'à 2012.
En résumé, si le chiffre de la colonne de droite est plus élevé que celui de la colonne de gauche, c'est que l'entreprise était "sous-évaluée" à l'époque si l'on en croit le P/E ratio.
Ces données corroborent les cas de Netflix et GE : il n'y a aucune règle. Dans bien des cas, les actions considérées comme les moins chères en 1995 étaient en réalité très chères (Bank of America, Alcoa), et certaines des actions considérées comme les plus chères étaient des affaires en or (Home Depot, UnitedHealth, Microsoft).
Bref : le P/E ratio (et plus généralement, la valorisation d'entreprises) peut aider à valider ou infirmer un sentiment. Mais cela ne doit pas aller plus loin. Lorsqu'une entreprise est chère ou en soldes...C'est souvent pour une bonne raison.
Si cet article a attisé votre curiosité et que vous souhaitez devenir money smart, vous pouvez vous abonner à notre newsletter hebdo gratuite en bas de cette page 👇 Merci pour votre soutien ! 🙏
bigfish investing applique une charte de transparence. Pour plus d'informations, veuillez consulter notre politique de transparence dédiée.
Hamza Triqui
Hamza est rédacteur chez bigfish investing. Ancien banquier d'affaires chez Lincoln International, Hamza dispose d'une connaissance hors pair du secteur des services financiers.
Comments